Dirigeants, quel est le cœur de votre projet managérial ?

 

Quelle présence pour quel projet ?

Dans le contexte actuel, marqué par les turbulences et le manque de visibilité, il apparaît plus difficile d’articuler un plan stratégique qui définisse une voie assurée de transformation et assure l’engagement des équipes. Par ailleurs, un fort sentiment d’inquiétude prédomine, avec ses effets consécutifs de démobilisation possible voire de forte baisse d’énergie.

En cela, la période redonne toute sa valeur à une composante clef de la posture du dirigeant qui a longtemps été ignorée ou négligée et qui prend aujourd’hui une valeur nouvelle.

Ce qui a souvent été mis en avant, c’est en effet la capacité de formaliser et de présenter avec éclat un plan stratégique, une trajectoire lisible et incisive. Elle a été la marque visible du dirigeant ainsi reconnu dans ses plus nobles fonctions. La plus grande partie de l’éducation des élites françaises consiste d’ailleurs en la préparation de cet exercice individuel. Et lorsque cette compétence discursive sait se mettre au service d’une inspiration authentique, elle confère aux dirigeants une brillance propre, et peut produire un impact considérable en termes de communication.

Mon propos se situe ici à un autre niveau et vise à mettre l’accent sur une dimension différente, moins immédiatement visible mais tout autant perceptible dans ses effets, du pouvoir d’un dirigeant. Il ne s’agit plus pour le manager de « donner à voir », de proposer l’annonce d’un avenir possible mais de créer, consciemment, autour de lui un nouveau monde relationnel.

De quoi s’agit-il concrètement ? De s’interroger sur la nature de l’atmosphère managériale que vous produisez et diffusez autour de vous en tant que dirigeant. Quels en sont les composantes ? De quels parfums êtes-vous porteur ? Lorsque vous intervenez, dans l’exercice de vos fonctions, dans une réunion d’équipe ou lors d’un entretien individuel, que se passe-t-il ?  Et ce, au-delà des messages spécifiques que vous partagez, au-delà même de la nature du contexte particulier dans lequel vous intervenez.

Ce dont il est question ici, c’est de la nature de votre présence, c’est de la qualité des effets de vos diverses attitudes. Quelles sont les émotions dominantes que vous suscitez, quelles sont les impressions que vous produisez, quel est la nature de votre impact relationnel ?  

De quel paysage êtes-vous porteur ?

A ce point-là de la réflexion, vous pouvez constater que le propos est double :  il y a d’une part l’état de fait, la prise de conscience de votre impact énergétique (qu’est-ce que je transmets en termes émotionnels ?) et d’autre part ce qui peut relever de votre « projet relationnel » (qu’est-ce que je souhaite transmettre en termes d’énergie collective ?).

Allons un pas plus loin. Le premier volet porte sur votre état actuel, plus ou moins conscient, de producteur de contexte, de créateur d’atmosphère. C’est votre présence comme donnée d’expérience : vos pairs, votre équipe, vos dirigeants vous perçoivent tous d’une certaine manière et éprouvent en mode continu à votre contact des ressentis divers, parfois contrastés.

Les choses deviennent intéressantes lorsque vous prenez davantage conscience de cette activité plus ou moins consciente de « diffuseur d’ambiance » qui est la vôtre.

Et ce pour au moins quatre raisons  :

– vous augmentez ainsi la prise de conscience de vos états internes (« je diffuse ce que je ressens ») ;

– vous développez une sensibilité plus forte à l’observation des phénomènes – réactions des uns et des autres, interactions non verbales… – qui se déroulent autour de vous quand vous êtes présent ;  

– vous commencez aussi peut-être à comprendre pourquoi dans certains cas les effets de vos messages ont été à l’opposé de ce que vous en attendiez ;

– enfin, vous vous reconnaissez aussi un nouveau pouvoir, celui d’influer sur le ressenti des autres personnes de votre équipe, et donc une nouvelle responsabilité, celle du choix du monde relationnel  que vous souhaitez faire émerger autour de vous.

En tant que dirigeant, en tant que manager, quelles sont les couleurs émotionnelles de l’univers de travail en commun que je souhaite faire émerger, ou, en d’autres termes, quel est le cœur de mon projet managérial ?  Susciter par exemple un état d’esprit collectif plus innovant, ou développer chez mes collaborateurs une dynamique davantage tournée vers l’entraide et la co-création ? C’est ce volet que nous explorerons dans un prochain article.

Avant de terminer ce billet, et pour aller plus loin dans le travail concret, je vous invite à découvrir l’ouvrage récemment paru d’Aziz Djendli : La voie de la présence active. Ce petit manuel pratique permet d’entrer dans la démarche de prise de conscience de ses comportements et propose des exercices simples et efficaces pour développer davantage de sérénité communicative. 

Olivier Basso, facilitateur du « Cercle de l’IHEE » (Institut de l’Entreprise) et coordinateur du Certificat « Leadership et Management Complexe », (Sciences Po Executives)  

Dirigeant, pourquoi souhaiter « mieux se connaître » ?

Pourquoi conseiller à un manager, à un chef d’entreprise de prendre le temps de mieux se connaître ?

Dans un monde où vitesse de décision et passage à l’action sont considérés comme des qualités essentielles, le fait de s’attarder sur soi peut apparaître comme contre-productif (perte de temps) voire même susciter des craintes (s’apitoyer sur soi, se regarder le nombril, plonger dans la maelström sans fin de ses émotions).

Voici deux éléments pour comprendre le contexte de cette interrogation.

1) L’univers de référence des managers s’est transformé en un monde imprévisible : non plus incertain, mais radicalement déconcertant.

Le contexte de la prise de décision et de l’action est devenu instable. Les surprises se multiplient et de ce fait le manager ne peut plus s’appuyer sur un référentiel externe solide et stable. Les usages clients, les ruptures technologiques, les changements de législation… ne cessent désormais de se modifier de manière accélérée, sans que l’on puisse arrêter une photographie stable pour prendre ses repères.

Nous évoluons désormais dans un environnement dit VUCA, c’est-à-dire un univers qui échappe à la modélisation, à l’anticipation. Le manager doit devenir agile car il ne peut plus s’en remettre à sa seule faculté d’anticiper. Anticiper impliquait de pouvoir «prendre les devants» – c’est le sens étymologique du mot ! – mais la réalité managériale est devenue évanescente, insaisissable.

Un tel univers est fortement « déconcertant ». Le terme est très éclairant. Il possède deux significations distinctes et liées.

« Déconcerter », c’est d’abord « troubler les plans de quelqu’un ». Remettre en cause l’échafaudage mental que l’on s’était construit pour se préparer à agir. En ce sens, un contexte déconcertant rend caduques les stratégies élaborées pour structurer une action projetée. Mais « déconcerter », c’est aussi « faire perdre contenance à quelqu’un ».

Le manager qui voit ses plans remis en cause par un changement inattendu de contexte perd l’équilibre, se sent vulnérable, et soudainement désorienté. Il a perdu ses appuis. Comment peut-il les retrouver ?

2) Deuxième élément extrêmement déstabilisant pour les chefs d’entreprise, la manière de diriger a changé : les hommes et les femmes du 21ème siècle acceptent de moins en moins le style directif des patrons autocrates, de ceux qui s’appuient sur leur position de chef pour tenter d’imposer leurs vues. L’autorité efficace aujourd’hui ne s’exprime plus par une approche top-down, ponctuée d’ordres et de menaces. Un mode de management fondé sur la seule contrainte et le contrôle possède une efficacité très limitée.

Pourquoi ? Par ce que l’autoritarisme et sa règle du «on ne discute pas, c’est comme ça» ne permettent pas de construire l’unité et la cohérence des équipes nécessaires pour faire face de manière créatrice à l’imprévu.

Le dirigeant ne peut plus prétendre savoir seul ce qu’il faut faire dans l’univers VUCA ;  il doit donc se reposer sur l’intelligence de ses collaborateurs ou se priver de précieuses ressources. La question se pose alors de la légitimité du « chef », avec une équation redoutable : si le règne de l‘expertise se réduit à cause de la complexité environnante qui défie les pronostics, sur quoi le manager va-t-il pouvoir s’appuyer pour mobiliser ses troupes, pour leur inspirer confiance et les entraîner dans l’action collective ?

Résumons-nous : dans le monde d’aujourd’hui, la principale difficulté pour le manager, c’est de retrouver des éléments de stabilité, c’est de s’assurer d’un sol ferme pour pouvoir prendre ses appuis, et trouver ses repères.

En tant que dirigeant, responsable d’un collectif d’action, j’ai donc intérêt à approfondir la connaissance de moi-même pour viser les trois résultats suivants :

  • Identifier mes points d’appuis intérieurs, les éléments positifs structurants que je possède en moi et qui fondent la confiance en moi-même ;
  • Prendre conscience de mes points de vigilance comportementale pour améliorer mes capacités relationnelles ;
  • Reconnaitre mes sources intérieures d’inspiration, vectrices d’énergie et de motivation.

Dans un prochain billet, j’esquisserai quelques pistes pour entrer concrètement dans une démarche de découverte de soi utile pour le dirigeant… et ses équipes.

Olivier Basso, Directeur du Certificat « Leadership et Management Complexe »  (Sciences Po Executives)

Ceux qui ont le temps et… ceux qui ne l’ont pas

Ceux qui ont le temps et ceux qui ne l'ont pas

Chaque fois que vous répondez ou pensez « je sais que c’est important mais je n’ai pas le temps », prenez le temps de faire « sonner » la phrase en remplaçant le mot « temps » par un autre mot.

Cette simple substitution peut vous éclairer différemment sur l’enjeu réel de ce que vous remettez sine die.

Ainsi entrainez-vous à reformuler votre réponse !

« Je sais que c’est important… mais ce n’est pas ma PRIORITE « .

« je sais que c’est important mais je n’ai pas L’ENERGIE pour cela ».

Le contexte peut varier : il peut s’agir d’un enfant qui vous sollicite pour vous montrer quelque chose qui lui tient à coeur ; d’un ami qui vous propose de partager un déjeuner ; d’une invitation à expérimenter de nouvelles postures managériales…

Prenez le temps de percevoir ce que vous RESSENTEZ alors.

Qu’est ce que cela vous fait d’entendre cette justification dans votre bouche ? De quoi le « manque de temps » est-il le masque ?